UNESCO 2014 Liberation Body Text (FRENCH)

Au printemps 1945, alors que les forces alliées atteignent, dans les territoires qu’elles libèrent, les camps, la traversée des horreurs de l’Holocauste s’achève, ouvrant sur d’autres horizons. Le retour des survivants chez eux a souvent été tortueux, difficile et douloureux, et la traversée émotionnelle des conséquences de ces événements n’en était qu’à ses débuts. Cette expérience est racontée dans les milliers de témoignages de la collection audiovisuelle de l’USC Shoah Foundation, où rescapés et témoins méditent leurs parcours et décrivent les défis auxquels ils furent confrontés en vivant avec un tel traumatisme.

De nombreux soldats des armées alliées furent à leur tour plongés dans l’Holocauste en libérant les camps de concentration. Howard Cwick, l’un des 362 libérateurs et témoins de la Libération dont les récits figurent dans la collection audiovisuelle, décrit son arrivée à Buchenwald en des termes de stupeur. Directement confrontés avec les horreurs de l’Holocauste, les libérateurs durent aussi faire face au traumatisme psychologique. Leur expérience eut des conséquences sur la vie de leurs communautés, de leurs familles et de leurs amis. Dans leurs témoignages, à l’instar d’Howard, ils parlent d’un tournant dans leur existence.

Le moment de la libération fut un moment plein d’ambivalence et d’anticipation pour les survivants. Qu’ils aient survécu dans des camps ou dans la clandestinité, ils redoutaient le retour chez eux où ils découvriraient qui ou ce qui avait disparu. Après les horreurs dont ils avaient été témoins ou qu’ils avaient endurées, ils n’étaient pas assurés de retrouver les membres de leurs familles en vie. Ils se méfiaient aussi de leur voisinage et s’angoissait pour l’avenir. Matériellement, ils trouvèrent leurs maisons détruites ou occupées par d’autres. Clara Isaacman rend compte de l’ambivalence de ce moment dans son témoignage.

Pour nombre de ceux qui avaient fui avant ou pendant la guerre, le retour à la maison fut tout aussi ambigu que pour ceux qui avaient survécu aux camps. Vera Gissing fut sauvée par l’opération des Kindertransport dans les années 1930, et elle vécut au Royaume-Uni pendant la guerre. Par ce moyen, on estime que 10 000 enfants réfugiés, Juifs pour la plupart, furent accueillis au Royaume-Uni pendant le conflit. La collection audiovisuelle de l’USC Shoah Foundation contient 659 témoignages qui évoquent l’expérience des Kindertransport. Ces enfants ont pu éviter l’expérience du ghetto et celle des camps ; dans de nombreux cas, ils furent les seuls membres de leur famille à survivre à l’Holocauste. En 1945, Vera décida de retourner chez elle à Prague, en Tchécoslovaquie (actuelle République tchèque). Son parcours la ramena en un endroit qu’elle reconnut à peine, habité par une autre famille. La libération engendra de nouveaux déplacements géographiques et la transmission des horreurs de l’Holocauste à un public plus large. L’héritage des itinéraires dans l’Holocauste a débuté avec la Libération.

Liberation UNESCO 2014 French

Howard Cwick

Howard Cwick est né dans le Bronx, à New York (USA), le 25 août 1923, de Samuel et Sarah Cwick, tous deux immigrants polonais. Howard a une soeur aînée, Sylvia. La famille Cwick parle à la fois anglais et yiddish, garde leur maison casher, et se rend à la synagogue trois fois par semaine. Howard va à l’école à P.S. 100 dans le Bronx avant d’entrer au lycée technique de Brooklyn. À l’âge de 7 ans, Howard reçoit sa première caméra et se passionne de photographie.

Howard travaille comme machiniste avant de s’engager dans l’armée de l’air américaine en octobre 1942. Après s’être blessé dans un crash lors d’un entraînement, il est transféré au 281ème bataillon d’ingénieur de camp Butner, en Caroline du Nord. En novembre 1944, le bataillon d’Howard quitte les États-Unis et débarque en Angleterre. Il passe quatre mois sur une base militaire à Bovey Trace, dans le comté de Devon, et prend la direction de l’Allemagne en passant par la France. L’unité d’Howard est aux portes de Weimar le 10 avril 1945. Howard est assigné au quartier général mais emprunte une jeep sans autorisation et rejoint Buchenwald. Après son entrée dans le camp, il photographie ce qu’il voit. À la fin du premier jour, un détachement des forces armées américaines arrive à Buchenwald. Le deuxième jour, alors que les médecins sont occupés à prendre en charge les survivants, les habitants de la ville sont contraints de traverser le camp à pied pour constater ce que les nazis ont fait. Alors qu’ils affirment qu’ils n’étaient pas au courant des activités et des conditions d’existence à Buchenwald, Howard et des camarades retrouvent dans des caves de maisons environnantes des paquets de la Croix Rouge destinés aux internés du camp. Howard développe immédiatement quelques-uns de ses clichés de Buchenwald et expédie tous les négatifs à son domicile.

Rendu à la vie civile en 1946, Howard épouse Claire en 1948 et obtient obtient une maîtrise en éducation à l’Université de New York. Claire et Howard ont une fille, Laurie, et un fils, Steven. Au cours de sa carrière, Howard enseigne les arts industriels dans des lycées locaux. De nombreuses années après la guerre, après avoir entendu des étudiants affirmer que l’Holocauste ne pouvait pas avoir été aussi terrible qu’on le disait, Howard commence à diffuser ses photographies et ses souvenirs de Buchenwald. Au moment de l’interview en 1997, Howard avait un petit enfant, et en attendait un autre.

L’interview a été réalisée le 16 septembre 1997 à Lake Worth (Floride, USA) ; intervieweur : Susan Rosenblum ; vidéaste : Steve Cohen. Howard Cwick est décédé le 25 avril 2006 à l’âge de 82 ans.

  • Howard Cwick

    Language: English

    Howard Cwick est né dans le Bronx, à New York (USA), le 25 août 1923, de Samuel et Sarah Cwick, tous deux immigrants polonais. Howard a une soeur aînée, Sylvia. La famille Cwick parle à la fois anglais et yiddish, garde leur maison casher, et se rend à la synagogue trois fois par semaine. Howard va à l’école à P.S. 100 dans le Bronx avant d’entrer au lycée technique de Brooklyn. À l’âge de 7 ans, Howard reçoit sa première caméra et se passionne de photographie.

    Howard travaille comme machiniste avant de s’engager dans l’armée de l’air américaine en octobre 1942. Après s’être blessé dans un crash lors d’un entraînement, il est transféré au 281ème bataillon d’ingénieur de camp Butner, en Caroline du Nord. En novembre 1944, le bataillon d’Howard quitte les États-Unis et débarque en Angleterre. Il passe quatre mois sur une base militaire à Bovey Trace, dans le comté de Devon, et prend la direction de l’Allemagne en passant par la France. L’unité d’Howard est aux portes de Weimar le 10 avril 1945. Howard est assigné au quartier général mais emprunte une jeep sans autorisation et rejoint Buchenwald. Après son entrée dans le camp, il photographie ce qu’il voit. À la fin du premier jour, un détachement des forces armées américaines arrive à Buchenwald. Le deuxième jour, alors que les médecins sont occupés à prendre en charge les survivants, les habitants de la ville sont contraints de traverser le camp à pied pour constater ce que les nazis ont fait. Alors qu’ils affirment qu’ils n’étaient pas au courant des activités et des conditions d’existence à Buchenwald, Howard et des camarades retrouvent dans des caves de maisons environnantes des paquets de la Croix Rouge destinés aux internés du camp. Howard développe immédiatement quelques-uns de ses clichés de Buchenwald et expédie tous les négatifs à son domicile.

    Rendu à la vie civile en 1946, Howard épouse Claire en 1948 et obtient obtient une maîtrise en éducation à l’Université de New York. Claire et Howard ont une fille, Laurie, et un fils, Steven. Au cours de sa carrière, Howard enseigne les arts industriels dans des lycées locaux. De nombreuses années après la guerre, après avoir entendu des étudiants affirmer que l’Holocauste ne pouvait pas avoir été aussi terrible qu’on le disait, Howard commence à diffuser ses photographies et ses souvenirs de Buchenwald. Au moment de l’interview en 1997, Howard avait un petit enfant, et en attendait un autre.

    L’interview a été réalisée le 16 septembre 1997 à Lake Worth (Floride, USA) ; intervieweur : Susan Rosenblum ; vidéaste : Steve Cohen. Howard Cwick est décédé le 25 avril 2006 à l’âge de 82 ans.

  • Vera Gissing

    Language: English

    Vera Gissing (née Diamant) est née le 4 juillet 1928, à Prague, Tchécoslovaquie (actuelle République tchèque). Son père, Karel, possède un magasin de vins et de spiritueux à Celakovice, près de Prague. Sa mère, Irma, remplit les tâches administratives. Vera fréquente un lycée local et se sent fière d’être une citoyenne tchèque. Elle a une soeur, Eva, de quatre ans son aînée.

    Le 15 mars 1939, Celakovice est occupé par les forces armées allemandes. Peu après, la famille est contrainte de loger le commandant de la ville nouvellement nommé, qui la soumet à un traitement brutal. À l’insu du reste de la famille, Irma inscrit les noms de Vera et d’Eva sur la liste pour les Kindertransport – l’initiative organisée en faveur des enfants réfugiés, juifs pour la plupart, emmenés d’Allemagne, Autriche et de Tchécoslovaquie en Grande-Bretagne. Partant en juin 1939, les soeurs sont séparées : Vera est placée dans une famille d’accueil à Liverpool et Eva rejoint une institution à Dorset. Alors qu’à Liverpool, Vera parvient à entrer en relation avec Édouard Benes, le président de la Tchécoslovaquie, au cours de la période 1935-1938, qui, après sa démission forcée, a quitté son pays pour établir un comité national tchécoslovaque en Angleterre. Avec l’aide de Benes, Vera commence à fréquenter une école pour les enfants réfugiés de Tchécoslovaquie à Whitchurch, en Angleterre. En 1943, l’école est déménagée dans un quartier plus tranquille à Llanwrtyd Wells, au Pays de Galles.

    Quand survient la fin de la guerre en 1945, Vera découvre que sa mère, qui avait survécu au camp de concentration de Bergen-Belsen (Allemagne), est morte de la typhoïde deux jours après sa libération. Son père n’a pas non plus survécu à l’Holocauste. Après la guerre, Vera revient à Prague pour étudier et devient traductrice littéraire. Elle revient finalement en Angleterre et épouse Michael Gissing en 1949. Elle se lance comme traductrice, interprète et éditrice pour divers éditeurs britanniques, écrit des livres pour enfants et une autobiographie, Pearls of Childhood (« Des perles de l’enfance ») (1988). L’histoire de Vera a fait l’objet d’une série à la radio Tchèque et a inspiré plusieurs documentaires télévisuels. Vera est connue pour ses travaux, The Power of Good: Nicholas Winton (2002), All My Loved Ones (1999) and Into the Arms of Strangers: Stories of the Kindertransport (2000). The Power of Good a remporté le prix «International Emmy» de l’année 2002 pour le meilleur documentaire télévisuel.

    Au moment de son interview, Vera avait trois enfants et trois petits-enfants. L’interview a été réalisée le 25 octobre 1996 à Marlow (Angleterre, Royaume-Uni) ; intervieweur : Bernice Krantz ; vidéaste : Jonathan Harrison.

  • Clara Isaacman

    Language: English

    Clara Isaacman (née Heller) est née à Borsa, en Roumanie, avant la Seconde Guerre mondiale. Sa famille quitte la Roumanie à cause de l’antisémitisme rampant et rejoint Anvers (Belgique) à la fin des années 1920, alors que Clara n’est encore qu’une enfant. Le père de Clara, Shalom, est diamantaire et possède une fabrique de soude. Clara fréquente une école hébraïque et une école publique à Anvers.

    Pendant l’invasion allemande de la Belgique en mai 1940, les deux tentatives de la famille Heller de fuir le pays échouent et elle demeure dans Anvers occupée par les nazis. Lorsqu’une nouvelle année scolaire commence, Clara, avec d’autres étudiants juifs, est exclue de l’école publique. Herz, le frère de Clara, est déporté à Auschwitz en 1941. En 1942, le professeur de musique de la soeur de Clara, Mr. Jäger, fournit un abri à la famille Heller, les cachant dans le sous-sol d’une boulangerie et, par la suite, chez une famille catholique, les Adams. Au cours des journées où la famille se cache, le père de Clara s’aventure à l’extérieur pour échanger des objets de valeur contre du pain. Lors d’une sortie, il est arrêté par les nazis, puis déporté et gazé. Clara, sa mère, sa plus jeune soeur et son frère se cachent durant deux ans et demi dans dix-huit lieux différents. Ils sont libérés à Hoboken, en Belgique, par les forces armées britanniques en septembre 1944.

    En juillet 1945, Clara épouse Daniel Isaacman, un soldat américain dont l’unité stationne alors à Anvers. Elle arrive aux États-Unis en mars 1946. Clara et Daniel adoptent un fils, Yonathan. Clara se montre active dans l’enseignement de l’Holocauste, racontant son expérience de la guerre dans les universités de Princeton, de Penn State, de Drexel et de Rutgers entre autres. Elle accompagne des étudiants du monde entier dans des voyages à Auschwitz et en Israël ; elle publie un livre sur son expérience, intitulé Clara’s Story (« L’histoire de Clara »), et elle est un membre actif de la communauté des rescapés de l’Holocauste de Philadelphie. Pendant l’un de ses voyages à Auschwitz, elle découvre le nom de son frère Herz sur la liste de ceux qui ont péri dans le camp.

    L’interview a été réalisée le 10 janvier 1997 à Philadelphie (Pennsylvanie, USA) ; intervieweur : Irene Dansky ; vidéaste : Abraham Holtz. Clara Isaacman est morte d’un cancer le 16 novembre 2001.