Tess Gagnage

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Tess Gagnage a entrepris d’une étude fascinante sur la participation polonaise à la persécution des Juifs avant et au cours de l’Holocauste.

Gagnage est en master 1 d’histoire contemporaine à l’Ecole normale supérieure de Lyon, qui, en 2014, est devenue le premier site de consultation en France de la collection des témoignages de l’USC Shoah Foundation. Ayant entendu parler de ce fonds par Emmanuel Debono, le représentant en France de la fondation, Gagnage a décidé de l’intégrer dans son étude.

Au cours de l’année écoulée, sa première année de recherche, Gagnage s’est concentrée sur les témoins francophones et leurs évocations de la participation de la population polonaise à la persécution des juifs durant l’entre-deux guerre et pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle a utilisé des témoignages de l’USC Shoah Foundation et de l’Institut national de l’audiovisuel, visionnant une centaine d’entre eux, avant de mener une analyse précise du discours de ces récits individuels.

« Ils m’ont permis d’accéder de manière privilégiée à la parole du témoin dans sa forme la plus directe, et a mon sens la plus authentique, » explique Gagnage.

Au cours de ses recherches, elle a pu constater que les témoins juifs se montraient très critiques sur la question de la participation polonaise à la persécution des Juifs de Pologne ; ce sujet a longtemps été un tabou mémoriel en Pologne. Les témoins soulignent l’implication de la population polonaise dans les pillages et celle de la police polonaise dans les exactions commises à leur encontre.

Gagnage s’est interrogée sur l’engagement résistant des polonais et sur la mémoire des témoins ayant bénéficié de l’aide de certains Polonais, ainsi que sur les facteurs de variation des discours sur ces sujets. Elle a constaté que les témoins appartenant à un milieu populaire et vivant à la campagne tenaient un discours plus sévère sur la question que les témoins issus d’un milieu favorisé, ces derniers étant plus susceptibles de recevoir une aide des Polonais non juifs.

« Une partie de mon travail a donc consisté à analyser les mécanismes de construction et de reconstruction des souvenirs et des discours mémoriels des témoins, » explique t-elle.

La recherche est importante pour Gagnage car l’antisémitisme polonais et la participation de la population polonaise à la persécution des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ont été des sujets censurés en Pologne après la guerre. Il était intéressant de montrer comment les réponses des rescapés aux questions posées sur ces sujets reflétaient les différences entre une mémoire officielle polonaise  et la mémoire particulière des témoins.

Tess Gagnage explique que le témoignage donne aux chercheurs une compréhension plus précise et plus nuancée de l’histoire qui n’est pas affectée par une reconstruction contemporaine du passé.

 « Le témoignage est a mon sens une source absolument incontournable pour tous les chercheurs et les étudiants qui s’intéressent comme moi aux questions mémorielles et de représentations et qui s’inscrivent dans le creuset d’une histoire des mentalités » explique-t-elle, « car il donne la possibilité de travailler au plus près d’une sensibilité, d’une intériorité, d’une subjectivité qui ne peut être occultée dans le cadre d’une réflexion comme la nôtre. »

                                                                                                  --Translation by Alex Biniaz-Harris and Amy M. Carnes